MAPILLOS

J’ai déjà abordé la série Rois du monde de Jean-Philippe Jaworski. Dans le troisième tome, paru cette année, qui constitue en fait la deuxième partie de Chasse royale, on apprend beaucoup de choses sur plusieurs compagnons de Bellovèse, alors que, prisonnier d’un groupe d’Eduens, celui-ci traverse la Celtique avec pour seule distraction à sa souffrance le fil vagabond de ses pensées et de ses souvenirs.

Une de mes histoires préférées dans ce nouveau tome concerne le personnage de Mapillos. C’est un Vellave qui fait un long chemin pour rencontrer Bellovèse afin de se mettre à son service. D’une stature colossale, il est surtout affligé d’une grande laideur.

Une espèce de teigne le pelait par plaques ; de grosses verrues bourgeonnaient sur son museau prognathe et ridiculement lippu ; malgré sa taille impressionnante, il conservait une posture un peu tassée et ses amples épaules ne tombaient pas droit. (…) Ses sourcils broussailleux, déjà bizarrement plantés, se sont haussés en une expression d’étonnement presque comique. (…) Il a roulé ses gros yeux bovins, essayant de rassembler ses esprits.

Mapillos, en raison de cette apparence qui ne lui laisse aucune chance dans une culture superstitieuse et impitoyable avec toute forme de déviance, a enduré tout au long de sa vie les moqueries et les gestes mauvais de ses congénères. Il aurait pu, en réaction, se façonner une personnalité violente, qui lui aurait probablement attiré plus d’ennuis encore mais, à la place, il a développé une forme de placidité radicale, subissant ses tourments quotidiens sans broncher.

Hormis un fort bâton de marche, [il] ne portait pas d’arme. Plus révélateur encore : malgré le mauvais accueil qu’on lui faisait, il demeurait placide, en nous présentant le flanc droit. (…) Malgré sa carrure phénoménale, Mapillos refusait de répondre à la provocation. (…) Un jour, je lui ai demandé pourquoi il restait avec moi, et pourquoi il acceptait de subir tant d’humiliations. « Chez moi ou ici, c’est pareil, m’a-t-il répondu avec son laconisme typique. J’ai l’habitude. »

Bellovèse, dans un premier temps, refuse de prendre Mapillos à son service, comme celui-ci le lui demande : il craint que sa réputation ne s’en trouve ternie, voire même qu’une sorte de malédiction contagieuse n’affecte ses proches – dans ce monde celtique, la disgrâce physique de Mapillos apparaît nécessairement comme le signe d’un mauvais sort. Mais après l’avoir hébergé une nuit dans sa halle, à la place qui sied aux vagabonds (près de la porte), comme les lois de l’hospitalité l’exigent, Bellovèse se ravise en constatant le lendemain matin que Mapillos exerce sur les animaux un charme surnaturel. Inexpliquablement, en effet, les chiens ont dormi cette nuit-là en formant un demi-cercle apaisé et protecteur autour du Vellave. Intrigué, Bellovèse décide donc de garder Mapillos quelques jours à ses côtés, et découvre de multiples manières de profiter de son don. Finalement, constatant qu’en sa présence les chevaux restent calmes jusqu’au cœur de la bataille, Bellovèse fait de Mapillos le conducteur de son char.

Par la suite, Mapillos révèle à Bellovèse qu’il est venu jusqu’à lui après l’avoir vu en rêve. La ficelle peut paraître un peu grosse a priori mais nous découvrons bientôt que cette histoire de rêve est plus sérieuse qu’il n’y paraît. Bellovèse finit en effet par comprendre que le caractère placide et détaché que Mapillos oppose aux violences dont il est victime, cette manière qu’il a de tout endurer en se réfugiant en lui-même et en mettant le réel à distance, a probablement créé chez le Vellave un lien privilégié avec l’autre monde, celui des rêves (donc de la magie). C’est pour cette raison que le Vellave, après avoir vu Bellovèse en rêve, s’est mis en route : Mapillos est quelqu’un qui prend très au sérieux le contenu de ses visions oniriques. A cet instant, Bellovèse comprend mieux certaines divagations qu’il a lui-même expérimentées au cours de sa longue détention itinérante.

Ce n’est qu’une fois réduit en captivité que je commence à comprendre Mapillos. Les chaînes, la privation de dignité, l’impossibilité de m’isoler ne serait-ce que pour uriner, l’hostilité constante qui m’entoure me rapprochent par certains aspects du calvaire quotidien qu’endure mon cocher. Et parce que je n’ai plus la force d’affronter l’humiliation en guerrier, spontanément, j’ai adopté une position de repli. Je me suis réfugié ailleurs, dans mes souvenirs, en volant par la pensée jusqu’à mes proches, y compris dans ces rêves troublants où Sumarios est revenu me voir. Je me suis retranché de l’autre côté, là où le corps compte pour rien, là où l’esprit peut planer au-dessus de l’opprobre et de l’ignominie. C’est sans doute en s’évadant ainsi que le géant a cultivé ce qui ressemble à de l’apathie et qui n’est qu’une forme de recul. En fait, il reste constamment au loin, il endure ses persécuteurs avec un flegme distant, comme on supporte les mouches par une chaude journée d’été. Ce n’est pas un devin, mais à force de s’investir dans les songes plus que dans la vie, peut-être a-t-il fini par acquérir une sensibilité plus vive, une aptitude rudimentaire à la voyance.

Que donnerait Mapillos en tant que PJ ou PNJ dans Heroquest Glorantha ? Voici une proposition. Le personnage se prête bien, à mon avis, à l’utilisation d’une rune rarement mobilisée en jeu, celle de la magie.

Mapillos, humain, environ trente ans

Concept. Le mot-clé d’Occupation est à déterminer selon les besoins de la campagne ou du PJ dont Mapillos est le compagnon. Il peut s’agir d’un guerrier, d’un éclaireur, d’une sorte de palefrenier, voire d’un god-talker. La Caractéristique Distinctive est Apparence répugnante, c’est aussi le Défaut principal de Mapillos.

Runes & breakout abilities :

  • Rune élémentaire : au choix, selon les besoins de la campagne.
  • Rune de pouvoir : Harmonie
    • Placide
    • Mettre les animaux en confiance
    • Soigner les animaux
  • Magie
    • Visions oniriques d’événements
    • Visions oniriques de personnes
    • Aller dans les rêves des autres

Autres capacités : Stature colossale ; Intrépide

Une réflexion sur “MAPILLOS

  1. Eric Vanel

    J’ai ADORE ce troisième tôme. Jaworski parvient à nous happer par les rêveries de Bellovese. C’est exceptionnel.
    De mon coté, ma scène préférée est celle où Bel comprend que Sacrila est sa demi-soeur. J’ai été bouleversé !

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