Une expédition lunaire en provenance de Génertéla fait, à un moment donné, irruption dans la campagne que je fais jouer dans Kothar avec des PJ doraddi. Du coup, je partage ici quelques notes rapides qui relèvent à des degrés divers du work in progress et du playtesting.
L’expédition Sandene-Phargentes de la Société Antiquaire Impériale de Doblian
Ses membres se présentent comme des érudits et des explorateurs ayant traversé le Grand Océan depuis le nord lointain. Ils se montrent avenants et curieux de tout savoir de la culture des PJ. S’ils entendent parler de leurs aventures (premier scénario), leur curiosité n’en est que plus forte. Ils ont des objets (armes, armures, etc.) à offrir en échange de temps et de récits sur les Doraddi, leurs ancêtres, leurs traditions, leurs rapports avec le Kresh et surtout les Veldang. Le personnage de Bahomey (un des PJ de la campagne) et sa protégée, Jil l’Orpheline, les fascinent tout particulièrement.

Ils cherchent à rencontrer des caravanes du Kresh qui s’aventurent loin au sud, or c’est précisément la direction qui a été prise par le convoi de Foroforondou à l’issue du premier scénario. Ils se disent les ennemis de Baraku la Tempête (qu’ils appellent « Orlanth »), le dieu que servait l’envahisseur Desero dans les Temps Anciens et que les ancêtres des PJ ont combattu. Du coup, ils se montrent aussi curieux au sujet de Jarkaru le Conquérant Indigo, qui combattit Desero.
L’expédition est soutenue et financée par la Société Antiquaire Impériale de Doblian (Champions of the Reaching Moon p. 25). Leur grande déesse est la Lune Rouge visible dans le ciel. Les leaders de l’expédition sont :
- Sandene, 30 ans, initiée de la Lune Rouge et d’Irripi Ontor, elle se présente comme une « historienne » et ne se sépare jamais d’un matériel d’écriture qui lui sert à prendre de nombreuses notes.
- Phargentes, 50 ans, initié d’Etyries.
- Le reste correspond à des assistants, gardes, magiciens (chamans, sorciers), pisteurs et personnels d’intendance, soit une vingtaine de personnes au total, à pied et avec de petits chariots traînés par des antilopes achetées lorsqu’ils ont débarqué sur le continent.
Lune Rouge, Traîne Bleue
Evidemment, ces Lunaires s’intéressent à tout ce qui concerne la Lune Bleue, à l’antique Empire Artmali – dont de nombreuses prophéties annoncent le « retour » dans le cadre de la Guerre des Héros – et aux Veldang, les descendants de l’Empire Artmali réduits en esclavage dans le Glorantha du troisième âge. L’Empire Artmali est présent dès le début de notre campagne sous la forme d’une « cité tidale » – « tidale » renvoie ici à l’anglais « tide », marée, on parle par exemple en français d’une « rivière tidale », dont le débit dépend des marées, ou d’une « île tidale », qui apparaît à marée basse. L’Empire Artmali, dont le pouvoir s’étendit jadis sur une grande partie de Pamaltéla, fut détruit au cours de la Guerre des Dieux, quand Pamalt déversa le Feu Céleste sur ses villes corrompues par le Chaos.
Sans doute ces Lunaires de Génertéla seront-ils donc fascinés par les « cités tidales ». Ces ruines, fantômatiques au sens où elles surgissent temporairement d’un passé révolu, ont cependant une consistance bien réelle et matérielle. Ce sont celles d’antiques cités artmali qui émergent du sol en certains endroits de Pamaltéla, les nuits où la Traîne Bleue atteint son zénith. Elles disparaissent en s’enfonçant à nouveau sous terre au moment où la Traîne Bleue plonge au centre du monde, dans le Tourbillon de Magasta, puis, de là, dans le Monde Inférieur. Si on est assez courageux – ou stupide – on peut s’aventurer entre les murs de ces ruines tidales, sous le regard perturbant de statues immenses représentant des divinités étranges. Avec un peu de chance, on aura le temps de parcourir des salles restées vides pendant des éons, avec leurs plafonds éventrés et leurs murs noircis, vitrifiés, recouverts de boue. Peut-être trouvera-t-on là, sous la lumière des étoiles, des merveilles qui attendent d’être saisies pour manifester à nouveau leurs étranges pouvoirs. Mais attention au temps qui passe… car lorsque les premières lueurs de l’aube pointent, les cités retournent dans le Monde Invisible, emportant avec elles ceux et celles qui sont suffisamment inconscients pour avoir osé fouler leur sol.

Les mystérieuses cités d’OrFeu
Les Lunaires s’intéressent aussi à des rumeurs / légendes / mythes évoquant un métal connu sous le nom d’OrFeu, qui serait présent au sud du continent, près de la frontière du Nargan.
Ils sont d’ailleurs accompagnés d’une étrange créature féminine, une Mostali d’Argent qui se fait appeler Mat’Sinq (qui semble être le diminutif de Matricule 5-4-3-2-4) et qui est elle aussi particulièrement intéressée par cet OrFeu. Les Mostali d’Argent sont des enchanteurs qui prétendent avoir « fabriqué la Lune Rouge ». Originaire de Grand Chemin (cf. Les secrets oubliés p. 63 ou Greatway dans le Guide to Glorantha p. 184), elle appartient à l’hérésie naine libérale (openhandist). Elle est équipée d’étranges appareils (comme une armure équipée d’explosifs, qui permet d’effectuer de grands bonds) et accompagnée de nilmergs. Selon Mat’Sinq, l’OrFeu serait une matière pleine de promesses pour « nettoyer et réparer la Machine », quoique cela puisse signifier.
L’expédition détient un échantillon d’OrFeu, contenu dans un récipient métallique d’une capacité d’un litre, protégé par une magie mostali. L’OrFeu ressemble à de l’or mais sous forme liquide, visqueuse, émettant un halo brillant et provoquant de vives brûlures si on le tient dans les mains. Les Lunaires n’hésiteront pas à l’exhiber fièrement après avoir demandé à tout le monde de reculer de quelques pas. Ils la tiennent d’une certaine Dozamène Fil-de-Lune, célèbre exploratrice issue de la noblesse pélendienne, initiée d’Orogeria, après son retour d’un long périple jusqu’aux portes du Nargan, peu de temps avant qu’elle ne soit retrouvée morte dans un des bassins de sa villa. Dozamène prétendait avoir trouvé cet OrFeu en explorant les ruines d’un des antiques bastions célestes, les Cités d’OrFeu, lieux mythiques où les guerriers descendus des Cieux se rassemblaient, dans les Plaines de Pamalt, à l’époque du Déluge de Feu. Dans ces ruines se trouvait une ziggourat très dégradée dont la plateforme supérieure supportait les restes des fondations d’un pont qui s’élançait dans les airs, et qui, d’après Dozamène, devait être jadis entièrement composé d’OrFeu…
Sandene et Phargentes sont à la recherche de toute information permettant de localiser des gisements d’or au sud des Plaines. Ils pensent que le « Métal des Cieux » pourrait être d’une importance vitale pour eux dans leur lutte contre Baraku / Orlanth.
La Lune Rouge dans Pamaltéla
Enfin, je signale des références à la « Lune Rouge » qu’on trouve dans le deuxième tome du Guide, dans les chapitres consacrés à Pamaltéla. Si, pour de nombreux Doraddi, elle n’est qu’un objet céleste « de plus », apparue il y a quelques siècles et suscitant l’indifférence, pour certains elle est plus que cela, et fait, ici ou là, l’objet d’un culte actif. J’ai notamment découvert au passage l’existence des « Yranians Bondissants » (Yranian Leapers), vêtus de « robes rouges », qui exercèrent une éphémère domination politique et militaire sur Fonrit au quatorzième siècle.
- P. 553 : « … Kythra Menna, the Red Moon Seer. This strange mystic claims to have liberated the magic of the Yranian Leapers to serve her. Her Red Moon cultists can be found in most Fonritian cities. »
- P. 565 : « Faladje (large city): This city in Marana is on the far outlands of Afadjann and is ruled by the priesthood of Tenoarpesas the Golden One, who have enslaved many solar and sky gods to serve their temples. Faladje was the former capital of the Yranian Leapers and for a period it ruled nearly all of Fonrit, plus the outlands of Vralos and Banamba. Now, it has been rapidly depopulated as people move to the expanding coastal cities. »
- P. 565 : « Fandranosta (small city): This city is ruled by the High Priestess of the Emerald Goddess, the mother of both the Blue and Red Moons. The city pays tribute to the Pujaleg Empire. »
- P. 569 : « Ostaliz (small city): The priests of this city worship a silver statue of a goddess that fell from the Sky when the Red Moon rose. »
- P. 573 (« Yrania ») : « … The locals worship a strange pantheon of dead gods, including the Blue Moon goddess, the Dead Sun, the Three Sky Witches, and the Red Moon. »
- P. 623, dans l’encadré sur la Guerre des Héros.
super article! Ces cités « tidales » emergeant au grè de mouvement de marée m’évoquent un belle nouvelle de Lovecraft : « la cité sans nom ». Un extrait : « Quand je parvins aux environs de la cité sans nom, je savais qu’elle était maudite. Je cheminais sous la lune au fond d’une vallée terrible et desséchée, et de loin je la vis qui émergeait mystérieusement des sables, comme un cadavre pourrait émerger d’une tombe hâtivement creusée ». tout une aventure en perspectives pour des héros téméraire ! 🙂
Bingo, j’avais cette nouvelle en tête en effet ! Je l’ai relue il y a un an ou deux dans une édition illustrée par Armel Gaulme chez Bragelonne :
https://www.bragelonne.fr/catalogue/9791028110499-les-carnets-de-lovecraft-la-cite-sans-nom/
Et sinon, cette histoire de cité fantôme, c’est aussi pour moi un souvenir de scénario pour AD&D / Runequest dans le numéro 7 du magazine de JdR Graal (juin 1988), intitulé « Mirage de vie » et signé Usher :
« … un homme qui disait venir d’Ithar, une cité sise au milieu du Désert des Scorpions. Le seul problème, c’est que plus personne n’a entendu parler d’Ithar depuis plus de 250 ans. Mais l’homme amenait avec lui des preuves troublantes : plusieurs kilos de marchandises typiquement ithariennes. »
S’ensuivait une expédition des PJ vers cette cité, une tempête de sable, la découverte de ruines où se réfugier… ruines qui s’avéraient n’être qu’une apparition fantomatique d’une très ancienne cité, retournant dans le néant à la fin du scénario. Il était aussi question d’une « Epice » dont la consommation décuplait les capacités de perception, clin d’œil évident à Dune.