Je fais référence ici aux règles de HeroQuest Glorantha (HQG, 2015), bien que vienne d’être mis en ligne il y a quelques heures à peine le SRD de QuestWorld, une version multi-genres des règles de HeroQuest, qui apporte quelques changements sur lesquels je n’ai pas encore eu le temps de me pencher mais qui, pour l’essentiel, consistent en des clarifications et simplifications des règles générales établies en 2015.

Je viens de démarrer une deuxième série de playtests de ma petite campagne pamaltélienne avec une nouvelle équipe. Un des personnages est un chaman. J’en ai profité pour faire le point sur les règles de magie spirituelle et en particulier, donc, sur la création d’un chaman, mieux que je ne l’avais fait avec la première équipe. Il faut dire que, dans leur présentation, ces règles ne sont pas d’une clarté toujours limpide et méritent une lecture approfondie (de ce point de vue, l’organisation des règles du SRD de QuestWorld paraît avoir progressé significativement). Cela m’a notamment conduit à revoir la manière d’intégrer les notions de tradition spirituelle et de société spirituelle dans la création de personnage, notions que j’avais déjà abordées précédemment.
Point le plus important: le chaman doit avoir au moins 11M dans la rune de l’Esprit. Comme le score de départ le plus élevé possible pour une rune est 1M, cela signifie que le joueur doit, pour créer un chaman, consacrer dix des douze points auxquels il a droit à la création du personnage à la rune de l’Esprit. Cela le rend puissant car il est probable que, dans un premier temps au moins, peu d’autres intervenants – PJ ou PNJ – auront un score (ou offriront une résistance) aussi élevé(e). Mais cela tend aussi à énormément spécialiser le personnage. Toutefois, comme on va le voir, le personnage gagne aussi certains attributs qui l’étoffent et lui donnent une dimension qui va au-delà d’une simple focalisation sur la rune de l’Esprit.
Premièrement, le chaman se rattache à une tradition spirituelle. Le chaman présenté à la fin du billet appartient donc à la tradition spirituelle des Plaines de Kothar, associée aux runes de la Terre et de la Vie. Cela ne signifie pas que le personnage aura une magie limitée à ces deux runes, mais celles-ci permettent de cadrer les actions qu’il accomplit avec sa magie. Personnellement, elles me servent à dire au joueur qui agirait en contradiction avec ces runes qu’il devra finir par en payer le prix sous la forme:
- d’une hostilité des ancêtres
- et/ou de dysfonctionnements dans ses pratiques chamaniques
- et/ou d’esprits de représailles
- et/ou d’autres formes de « malédictions », etc.
De façon plus contraignante, le chaman est aussi membre d’une ou plusieurs société(s) spirituelle(s) compatibles avec cette tradition. Là, il faut inventer, et se faire plaisir. Dans l’exemple fourni ici, notre chaman appartient à la société des Songes de Gata ainsi qu’à la société de Bolongo le Trickster.
Dans le premier cas – Gata – il s’agit d’une très ancienne et très abstraite personnification de la Terre qui ne fait plus réellement l’objet d’un culte à proprement parler dans Glorantha. Ce que souhaitait le joueur pour son personnage, c’était de pouvoir disposer d’une magie relative aux (esprits des) pierres, en tant que fragments spirituels de l’élément global « terre ». Une société est, comme une tradition, associée à une ou deux rune(s). Nous avons naturellement choisi la Terre. Là, c’est plus contraignant que la tradition, au sens où, cette fois, les charmes maîtrisés par le chaman découleront nécessairement de la rune de la Terre. Rappelons que les charmes correspondent à des esprits incarnés dans des objets matériels (ou éventuellement des corps) et fournissent une magie très spécifique, centrée autour d’un effet précis, nettement circonscrit.
Dans le second cas – Bolongo – il s’agit tout simplement de l’une des divinités du Collier de Pamalt, un des aspects du Trickster dans Glorantha, comme Eurmal dans la mythologie génertélienne. L’appartenance à cette société octroie la possibilité de créer des charmes en lien avec les runes de l’Illusion et du Désordre. Rien à voir avec les runes de la tradition des Plaines de Kothar, mais peu importe. Le fait est que Bolongo appartient pleinement à la culture et à la mythologie des plaines.
Bon, ces deux sociétés spirituelles sont des exemples qui font référence à des divinités. Mais, dans cette campagne ou dans une autre, on aurait pu imaginer des sociétés spirituelles faisant référence à autre chose, comme un lieu ou un événement. Exemples:
- La société spirituelle des Seigneurs du Dolorofey (cf. Guide to Glorantha p577), qui pourrait fournir une magie basée sur les runes de la Maîtrise et du Cheval (oui, il existe une rune du Cheval, cherchez bien).
- La société spirituelle des Anges-Esprits du Déluge de Feu, en référence à cet événement majeur de la mythologie pamaltélienne, et donnant accès à une magie fondée sur la rune du Feu/Ciel.
Détail un peu caché dans les règles mais explicitement précisé: l’appartenance à une société spirituelle se traduit aussi par le gain d’une capacité de type « relation » au score de base égal à 13.
Le chaman s’attribue également cinq charmes en plus des cinq capacités auxquelles tout nouveau personnage a droit. Voilà qui n’est pas rien et qui justifie les points investis dans la rune de l’Esprit! Bien que la chose ne soit pas absolument explicite dans les règles, il nous a paru logique de considérer que chacun de ces charmes devait être associé à une société spirituelle, et donc à l’une de ses runes. On considère par ailleurs que ces charmes sont des spécialisations (breakout abilities) de la rune de l’Esprit et donc que leur score de base égal à rune de l’Esprit +1. Cela aussi n’est pas, me semble-t-il, explicitement précisé dans les règles, mais c’est comme cela que fonctionne le personnage du Praxian Spirit-talker fourni en exemple p54 de HQG.
Ceci dit, le joueur a aussi choisi des charmes associés à des runes différentes de celles portées par les sociétés spirituelles:
- Lire la vérité dans les oignons (rune de la Vérité)
- Esprit-portefaix (rune du Mouvement)
Là, j’ai demandé au joueur de les associer au mot-clé « Chaman », pour souligner le fait que ce sont des charmes sans lien direct avec les sociétés spirituelles auxquelles adhère le personnage, donc hors de son domaine d’expertise. Le score du mot-clé « Chaman » étant, forcément, inférieur à celui de la rune de l’Esprit quand on crée un chaman, cela traduit la moindre compétence de ce dernier dans la manipulation de ce type d’esprit.
Enfin, dernière étape, il faut choisir un tabou – une obligation ou une interdiction – associé à chaque charme. Cela correspond à la nature de l’esprit qui produit le charme, nature un peu monomaniaque. Là, il ne faut pas hésiter à se faire plaisir en imaginant des trucs rigolos. Il serait bien sûr maladroit d’avoir une approche trop « envahissante » de ces tabous. On peut considérer que, la plupart du temps, le personnage les respecte, sans qu’il soit nécessaire de le préciser en cours de jeu. Sinon ça sent le running gag pénible à la longue. Mais il y aura toujours un moment où ce sera drôle et/ou générateur d’histoires de se rappeler que Gon’Okhâr ne doit jamais réparer un objet cassé, ou bien qu’il doit pisser sur un rocher au moins une fois par jour.
Au total, le personnage est doté de neuf charmes. Là un doute vous saisit. Neuf? C’est pas cinq normalement? Alors, le chaman a droit à cinq charmes en plus des cinq capacités octroyées à tout PJ. Or, il se trouve qu’en plus de ses cinq charmes de chaman, le joueur a choisi, parmi les cinq autres capacités, quatre charmes (dont deux non reliés à ses sociétés spirituelles). Cinq et quatre neuf, le compte est bon, Patrice.
Dernière étape: il reste, sur les douze points de création, deux points à attribuer (rappelez-vous, les dix autres sont dans la rune de l’Esprit!). Le joueur augmente Danse du démembrement de Bolongo et la rune de la Terre.
Terminons en rappelant les autres règles spécifiques au chaman:
- Il a éveillé sont esprit « intérieur » ou « second esprit » (le fetch) qui veille sur son corps physique quand il voyage dans le Monde Spirituel, et qui inversement évolue dans le Monde Spirituel quand le chaman est dans le Monde Physique. S’il est détruit, le chaman meurt. Le fetch réduit le malus pour attaquants multiples en cas d’attaque spirituelle. Le Fetch devient par ailleurs une capacité, à la manière d’un compagnon, considérée comme une spécialisation de la rune de l’Esprit.
- Il peut emmener jusqu’à une dizaine de personnes avec lui dans le Monde Spirituel. En cas d’urgence (mauvaise rencontre), il peut quitter le Monde Spirituel sur un simple test (rune de l’Esprit) de difficulté moyenne, en ramenant autant de compagnons que souhaités.
- Une fois par session, il a la possibilité, au moment d’utiliser un charme, de délivrer l’esprit de sa « prison » matérielle pour lui laisser exprimer sa pleine puissance. Cela octroie un bonus de neuf points lors de l’utilisation de ce charme, qui n’est plus utilisable ensuite au cours de la session (l’esprit sera de retour dans le charme au début de la session suivante).
- S’il a eu le temps de s’y préparer, le chaman peut se rendre sous forme spirituelle dans le Monde Inférieur ou dans le Monde Céleste.
- Enfin il peut fabriquer des charmes pour d’autres (cf. HQ p137).
Et voilà, Gon’Okhâr est fin prêt, en voiture Simone.
Gon’Okhâr, Chaman exalté
Homme, 60 ans.
Mots-clés
- Occupation : Chaman 17
- Culture : Doraddi du Kothar 13
Caractéristique distinctive : Exalté 17
Communauté : Lignée de Saluseke 13
Runes (& Traits associés)
- Terre, 18 (pragmatique, prudent, mondain)
- Vie, 13 (généreux, lascif)
- Esprit 11M
- Tradition spirituelle des plaines de Kothar (Terre / Vie)
- Sociétés spirituelles :
- Songes de Gata (Terre)
- Bolongo, le Trickster (Illusion / Désordre)
Capacités
- Fetch (esprit intérieur), Rune de l’Esprit +1
- Charme : Lire la vérité dans les oignons (Vérité), Chaman +1
- Charme : Esprit-portefaix (Mouvement), Chaman +1
- Fanatisme 13
- Relation : Société des Songes de Gata 13
- Relation : Société de Bolongo le Trickster 13
Charmes (rune de l’Esprit)
- Société spirituelle des Songes de Gata (Terre)
- Mémoire des pierres +1. Tabou : Réaliser chaque jour une gravure sur pierre ou rocher.
- Bénédiction des pierres +1. Tabou : Faire couler un peu de sang sur une pierre chaque jour.
- Torrent de boue +1. Tabou : Uriner chaque jour sur un rocher.
- Songe de la pierre-animale +1. Tabou : Sacrifier chaque jour un insecte ou autre petit animal en l’écrasant sous une pierre.
- Immobilité de la pierre +1. Tabou : Ne jamais courir en tête.
- Société spirituelle de Bolongo, le Trickster (Illusion / Désordre)
- Danse du démembrement de Bolongo (Désordre) +2. Tabou : Ne jamais danser en rythme avec autrui.
- Perturber les charmes (Désordre) +1. Tabou : Ne jamais réparer un objet cassé.
Défaut : Fanatisme (score = score le plus élevé de la feuille de personnage)
Points d’héroïsme : 3
le site est super. on voit que chaque publication fait l’objet d’un travail sérieux 🙂
Merci Stéphane !